Les parisiens: pour ou contre la nouvelle Samaritaine?
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Lundi début d’apres midi, la dépèche AFP tombe: une fois encore, le chantier de la Samaritaine va devoir s’arrêter. Un nouveau coup dur doublé d’une énième péripétie pour le groupe LVMH qui n’imaginait surement pas que la construction d’un nouveau site gigantesque, axé principalement sur le luxe, à l’endroit même où se dressait le mythique et populaire grand magasin fermé en 2005 poserait autant de problèmes.
Milieu d’après-midi; le hasard veut que nous passions rue de Rivoli devant la grande bâche qui cache les travaux de ce projet pharaonique qui prevoit d’ériger sur 26400 metres carrés une multitude de commerces de luxe et même l’inauguration d’un hotel Cheval Blanc. Sur plusieurs dizaines de metres, des illustrations, des explications, des notes, des citations se détachent sur le fond blanc de cette bâche pédagogique pour expliquer aux parisiens les bienfaits du projet LVMH: bienfaits architecturaux basés sur l’innovation et le progrès si conforme à l'esprit parisien, bienfaits en terme d’emplois et de prestige pour ce quartier historique de Paris qui remonte au moyen age. Les parisiens passent un peu indifférents, pressés comme d’habitude. Cela ne diminue pas notre courage que nous prenons à deux mains pour se decider à demander l’avis des uns et des autres sur le sujet.
Premier bilan, une demie heure plus tard: pas facile de faire parler les parisiens sans passer pour un vide-gousset. Ils sont peu nombreux ceux qui acceptent de nous répondre ; mais quand même, quatre ou cinq bonnes âmes se laissent séduire par notre bonne volonté. Encore faut-il qu’elles aient un avis sur le sujet ce qui est loin d’être toujours le cas : “pourquoi c’est retardé encore?”, “c’est les associations de riverains qui ont porté plainte c’est ça?“ Une fois les grandes lignes du dossier exposé aux sondés (pour rappel le tribunal administratif de Paris a en mai dernier annulé le permis de construire attribué à LVMH suite à une plainte de plusieurs associations de défense du patrimoine, un jugement confirmé cet après midi par la cour administrative d’appel et qui aménera les acteurs du dossier devant le conseil d’état) les avis se forgent mais mollement. Il y a surtout les indifferents (plutot les jeunes) qui n’ont pas connu l’ancienne Samaritaine et qui se disent peu concerné par les commerces de luxe promis par LVMH dans ce quartier de Paris plutot dédié aux enseignes de mass market. Ceux qui ont un avis le donnent pour la forme, sans trop s’enflammer. Le pour: “il faut accepter le changement, sinon on aurait jamais laisser faire pour le musée Beaubourg ou pour la pyramide du Louvre, tout le monde avait ralé à l’époque et maintenant on trouve ça normal”. Le contre “ tant mieux si ça ne se fait pas. Si on laisse les grandes sociétés faire ce qu’elles veulent avec l’architecture, ca ne ressemblera plus à rien”.
Bon. Et les reseaux sociaux, ils s’enflamment eux? Visiblement oui. Avec une forte propension à prendre la défense de l’entreprise: “10 ans, voir peut-être 20 ans pour la réalisation d'un projet immobilier! Avec de tels délais, il est certain que les investisseurs étrangers ne vont pas se presser aux portillons pour investir en France ». Certains prennent même plus précisement la défense de LVMH « Je ne comprends même pas qu'un homme comme Bernard Arnaud envisage encore des projets à Paris » tout en pestant sur les associations et les juges « Les allemands , anglais ,espagnols osent en architecture beaucoup plus que les frileux et passéistes français plombées par des associations ». Certains se moquent enfin de cette volonté de sauvegarder le paysage haussmannien " Le refus de ce projet, c'est le bon gros goût bourgeois qui est de retour", " Haussmann a détruit le Paris médiéval pour construiraient série ses petits immeubles de rapport étriqués et c'est cela que vous défendez?"
Quelques voix prennent quand même le parti des associations « Les architectes d'aujourd'hui veulent tout sauf se fondre dans le paysage urbain. Ils veulent être voyants. Ils ne cherchent pas du tout l'harmonie…Je ne suis pas un passionné des associations de défense locales, mais là je trouve que c'est très bien. Pour s'intégrer, il faut respecter des formes, des matériaux. De bons architectes y arrivent très bien. L'agence en question a violé cette règle en toute connaissance de cause. Tant pis pour LVMH et cette agence qu'on espère ne plus revoir dans un quartier historique » ou encore "Paris est une destination touristique majeure ce qui génère une activité considérable. Qu'est-ce qui attire à Paris ? Un ensemble exceptionnel et un charme particulier. Si l'on veut voir des tours et des centres commerciaux, on va ailleurs. Pourquoi les Chinois viennent ils à Paris alors que Hong Kong est plus près et incomparablement plus moderne ? A massacrer Paris et traiter les touristes en cochons de payants on va tuer la poule aux œufs d'or".
460 millions d'investissement
Quid de l’avenir du chantier ? Initialement prévue en 2013, l’inauguration de la nouvelle Samaritaine repoussée en 2017 semble bien incertaine. D’autant plus que le groupe LVMH qui va saisir le conseil d’état, ne compte pas changer les fondamentaux de son projet. Pour rappel, dans son jugement initial rendu en mai dernier (et confirmé aujourd’hui par la cour administrative d’appel de Paris) le tribunal administratif de Paris avait indiqué : "étant donné que le plan local d'urbanisme prévoit que les constructions nouvelles doivent s'intégrer au tissu existant, en prenant en compte les particularités morphologiques et typologiques des quartiers ainsi que celles des façades existantes", il estimait que "malgré ses qualités architecturales, le projet LVMH ne s'insére pas dans le quartier". Surtout en raison de sa desormais fameuse facade en verre transparente, dotée d’ondulations verticales de tailles variables qui viendrait "dégrader un ensemble considéré comme le prototype architectural du Paris Haussmannien, selon la commission du Vieux-Paris" qui avait d’ailleurs émis un avis défavorable au projet. Un projet qui représente tout de même un investissement d'environ 460 millions d'euros et devrait générer 2 100 emplois.